| 25.09.10
Guy Béart est né au Caire et vit dans les Hauts-de-Seine. A 80 ans, il publie un nouvel album,
Le Meilleur des choses, après onze ans d'un silence qui aurait pu avoir raison de sa carrière. Béart n'a jamais décroché, en vérité. Il s'est mis en retrait, pour cause de maladie (cancer avoué), mais aussi parce que le chat Guy était échaudé par les pratiques
"des maisons de disques", en l'occurrence des labels indépendants pour ce qui concerne ses deux dernières productions :
Il est temps (1995), suivi de
Béart en public (1999), enregistré à l'Olympia.
voix-chaude-et-souple
[center]Béart, yeux bleu clair et chemise assortie, raconte dans la lumière de sa verrière qu'à
"un moment donné, (il a)
cessé de vouloir sortir des disques. D'ailleurs, les petits labels sont aussi dangereux que les grands. Ils sont aussi dans l'agitation, dans l'emportement."Le chanteur n'a pas toujours bon caractère, c'est de notoriété publique. Et quand il brocarde les hommes pressés de l'industrie musicale, la radio et la télévision, cela donne
Télé Attila, nouvelle chanson déclinée sur l'album en version longue (5'56) et en version courte (3'27) pour en rajouter une louche.
Depuis
Bal chez Temporel en 1957, d'abord chanté par Patachou, l'auteur-compositeur a écrit un chapitre entier de la chanson française (
Qu'on est bien, Chandernagor, L'Eau vive, Suez, Les Grands Principes...) Il possède un catalogue de 220 chansons, et douze de plus avec
Le Meilleur des choses, premier album de chansons inédites en quinze ans.
"Les paroles et les musiques viennent du rêve. Je prends des notes pendant la nuit. Pas pratique pour garder une femme, car on la réveille", dit le séducteur intemporel. En quinze ans de retraite anticipée, Béart a accumulé les cahiers, les notes, les projets :
"une centaine. J'en ai gardé quarante, puis j'ai réuni les femmes que j'ai connues dans ma jeunesse, des amis, afin de sélectionner, et j'en ai enregistré douze dans mon home studio".
Puis, Guy Béart a reçu chez lui les prétendants à l'édition d'un disque. Il a reçu les majors, sauf
Universal Music, dirigé par
Pascal Nègre, qu'il accuse d'avoir
"dévoyé le métier". Il a reçu les indépendants, et même
Françoise Canetti, la fille de Jacques, le patron des
Trois Baudets de 1947 à 1967, grand découvreur de talents (Brel, Brassens, Béart, Gréco, Higelin, etc.), dont elle a repris l'héritage. M. Béart, qui,
"rhumatisant depuis quarante ans", ne sort plus de chez lui, reçoit dans son salon.
Sa maison de Garches est comme un lieu de pèlerinage. Des grands noms des arts et de la musique, des hommes politiques, ont plongé dans la piscine, pris le frais sous les arbres centenaires et admiré l'esthétique Bauhaus de cet édifice de 1 200 m
2, ancienne demeure de l'ambassadeur d'Autriche. Béart l'achète en 1967, après le succès de
Vive la rose, titre phare d'un album consacré à la reprise de chansons du patrimoine français.
Béart n'est pas un client facile. Sa carrière discographique est une succession de transferts et de procédures, dont celle qui l'opposa à Philips de 1963 à 1978, afin de récupérer les droits de ses chansons.
"J'ai monté ma maison d'édition, Espace, très tôt. Puis Philips a viré Canetti (qui y était directeur artistique).
J'ai emprunté des sous à la Banque de Paris et des Pays-Bas, et j'ai fondé l'Auto Production des Artistes au Micro, une structure autogérée par les artistes. J'ai présenté l'affaire à Jean Ferrat, Anne Sylvestre, Claude François, Pierre Perret. Ils ont trouvé l'idée si bonne qu'ils ont tous créé leur propre société." Il fonde alors Temporel, sa société de production discographique, devenue Bienvenue.
En conséquence, ses partenaires sont ses distributeurs,
"un point c'est tout". Cette déclaration d'indépendance lui a valu l'une de ses manies les plus visibles : fumer cigarette sur cigarette.
"Je vivais avec Popy, une Franco-Américaine. J'avais du mal à obtenir des rendez-vous. Elle m'a convaincu que le métier exigeait cigare et whisky. Ça a marché, j'ai pu approcher Eddy Barclay et d'autres, puis je me suis mis à la pipe."Les prétendants producteurs du
Meilleur des choses ont dû, ce printemps, traverser le vestibule de Garches, ses alignements de pipes et de guitares, les salons encombrés de cartons d'archives, de livres,
"tous vitaux", et de vidéos, avant d'arriver au canapé tigré du living à verrière.
C'est Sony qui a gagné la compétition : la major a assorti son accord de la parution simultanée d'une compilation - il n'en existait pas. Soit un triple album du meilleur de Béart,
"sans les reprises de chansons traditionnelles" (
Best of, 3 CD Sony). Sony sait très bien où il va : paru avant sa mort en mars, un best of de Jean Ferrat, un double album, a été classé parmi les meilleures ventes de 2009.
Dans cette
"dinguerie zinzoïdale", Guy Béart ne peut toujours pas voir la télévision en peinture, ne supporte pas
"le choc des photos". Il sortira cependant de chez lui le 27 septembre pour animer une journée spéciale sur RTL. Et il donne des entretiens aux journaux en répétant qu'il est
"dans une période d'austérité qui désole (son) attaché de presse".
Véronique Mortaigne